EDITO

Par Gilles DUTHIL,
Président de l'Institut SilverLife

Le choc de civilisation

Selon le dernier rapport de l'UNFPA (fonds des Nations Unies pour la population), organisme dépendant de l'ONU, la population va continuer à progresser de 7 milliards aujourd'hui à 9,3 milliards en 2050 et plus de 10 milliards d'ici la fin du siècle.

Les plus de 60 ans, qui étaient 384 millions en 1980, sont aujourd'hui 893 millions et devraient être 2,4 milliards en 2050, selon le même rapport.
"Il s'agit là d'un succès mondial, mais le vieillissement de la population représente aussi de nouveaux défis au regard de la croissance économique, de la santé et de la sécurité des personnes âgées", souligne l'ONU.
Dans les régions les plus développées, un habitant sur quatre est maintenant âgé de plus de 60 ans. D'ici 2050, la proportion passera à un sur trois (cf. étude prospective 2020/2050 avec FUTURIBLES).

Dans le nécessaire partage des richesses entre pays développés et pays en voie de développement, le vieillissement pourrait être le marqueur d'un choc entre deux mondes, ou plutôt deux modèles de civilisation.

Le rapport BACHELET du nom de l'ancienne Présidente argentine, aujourd'hui Directrice Exécutive de l'ONU-Femmes, présenté lors du G20(1) réuni à Cannes les 3 et 4 novembre, lance incontestablement le débat en promouvant "un socle de protection sociale minimale dans tous les pays du monde".

"C'est un rapport crucial qui vient à un moment critique. Partout les peuples sont anxieux pour leur avenir, frustrés sur l'économie et énervés contre leurs dirigeants politiques. Réaliser la protection sociale pour tous devient critique pour construire des sociétés plus justes, plus ouvertes à tous et équitables", a déclaré le secrétaire général de l'ONU, Ban KI-MOON.

Bien sûr, "il ne s'agit pas d'imposer aux pays les plus pauvres les normes et le système des pays les plus riches, et vice-versa", mais ce rapport pose sous l'angle du vieillissement et plus généralement de la protection sociale la question de la confrontation des modèles de développement dans un contexte de globalisation de l'économie.

(1) Sommet au sein duquel les pays en voie de développement ont pris de plus en plus de place

Bernard BAZILLON
Associé, Directeur national Economie Sociale et Solidaire KPMG

Quel est votre intérêt pour les problématiques liées à l'économie du vieillissement et pourquoi avoir adhéré à l'Institut Silverlife ?

La société française « vieillit » et cela a de profondes répercussions sur les conditions sociales et économiques de notre société. Les conséquences (individuelles et collectives) de cette évolution sont multiples et impactent toutes les sphères de la société :

- Les acteurs « classiques » du champ de la vieillesse :

- adaptation de la prise en charge à un public plus dépendant
- adaptation des structures aux besoins nouveaux de cette population (logement, services…)

- Les collectivités territoriales

- Les établissements de santé (coordination des services, médicalisation)

- Les acteurs publics (tarification)

- Et de manière plus générale, cela impacte également :

- la solidarité entre générations,
- le financement de la dépendance dans un contexte budgétaire contraint : les dépenses publiques supplémentaires que la France devra financer à l'horizon de 2050 en raison de l'impact du vieillissement de la population sur les retraites, sur les soins de santé et sur les services liés à la dépendance sont estimées par les autorités à plus de 4 points de PIB.

COMPTE-RENDU PETIT-DEJEUNER du 12 octobre 2011 avec PASCAL TERRASSE
Président du Conseil Général et député SRC de l'Ardèche

« 5eme risque dépendance : les réflexions de Pascal TERRASSE »

Membre de la CNAV, de la CNSA et membre du conseil de surveillance du COR (Conseil d'Orientation des Retraites), Pascal TERRASSE est aussi un ex-membre de la Commission Financière en charge du financement de la protection sociale. Actuellement Président du Conseil Général de l'Ardèche, Pascal TERRASSE est aussi membre de l'ADF et spécialiste du financement de la protection sociale.

Nous vivons dans une démocratie citoyenne et pourtant la santé et le vieillissement sont absents du débat, alors que la santé figure toujours parmi les quatre ou cinq points qui inquiètent les Français.
Dans la réalité, il existe une inquiétude des Français concernant la qualité actuelle du système de santé et des résultats obtenus (y compris en termes d'espérance de vie).
La question de l'égalité d'accès aux soins se pose également.
A terme, une menace pèse sur la solidarité intergénérationnelle et le système assurantiel global.

Quelles sont les solutions proposées ?
La première solution consiste à chercher de la ressource complémentaire, ce que recommande la gauche française. La seconde solution prônée par la droite consiste à responsabiliser l'individu et à réformer sans ressource complémentaire.
Enfin, une voie moyenne serait une réforme avec un investissement au départ impliquant un recours à la CRDS pour la Cour des Comptes et le passage par une réforme fiscale selon l'équipe François HOLLANDE.

Des efforts restent néanmoins à faire :
- Dégager de nouvelles ressources.
- Limiter la désertification et optimiser la répartition des moyens.
- Donner aux assureurs complémentaires les moyens de gérer les dépassements.
- Transférer aux régions la partie immobilière (y compris au travers de SEM) et le personnel non soignant.
- Réviser les modes de gestion (il existe des déficits cachés des établissements, T2A)

Pascal TERRASSE prône également la transformation des hôpitaux locaux en pôles gériatriques de proximité et la mutation des EHPAD soit en pôles gériatriques, soit en excluant des cas lourds. Il plaide également pour le transfert des ressources de l'assurance maladie.
Des maisons polyvalentes de santé (en rapprochant les assistantes sociales) devraient coexister avec des maisons d'urgence (reliées avec les centres).
Enfin, Pascal TERRASSE note que le budget de la santé ne peut être un outil d'aménagement du territoire.
Concernant le report de la loi dépendance, il faut constater qu'il n'y a pas eu véritablement une nécessité de réforme de la dépendance. De plus, l'Etat Providence, qui a été construit depuis DE GAULLE ne pourra plus fonctionner sans des adaptations nécessaires. Une réforme globale de la protection sociale (RGPS) s'impose.

Plus Pascal TERRASSE avance dans ses réflexions, et plus il se prononce vers une décentralisation avec une gestion du risque assurée par les ARS.
Il faudra réviser nos institutions et donner une force nouvelle aux régions et des secteurs d'urgences identifiés et de proximité, qui aient réellement le rôle d'urgence.
Il déclare également qu'un droit à l'autonomie doit exister quel que soit l'âge. Celui-ci doit tenir compte des revenus et du patrimoine des individus.
Aujourd'hui l'Etat a besoin de 2 à 3 milliards par ans pour financer la dépendance. On peut trouver 1,5 milliards dans le public et compléter en faisant appel à l'assurance privée.
La priorité est de résoudre les déficits publics, l'essentiel de l'IRPP servant à payer l'intérêt de la dette chaque année.